Music.

Aaron l'avait recontactée.

Plus de trois mois après avoir réglé, avec l'aide de Lewis, leur compte à ceux qui s'attaquaient à Aaron, ce dernier avait proposé à Heather de le revoir à la Skyline, dans son appart, afin de discuter. Après avoir lu le message, la jeune femme avait fondu en larmes, tremblante, son coeur et son esprit hésitant entre ressentir de la terreur ou de la joie. Quelques secondes plus tard, Ezio était au courant de tout, et consolait la mafieuse.

Et désormais, Heather s'observait dans le miroir en pied de la chambre 707, portant une robe noire simple, cintrée à la taille, qui s'arrêtait juste au dessus de ses genoux. Ses bras nus étaient plus fins que jamais, et il restait un bleu sur le gauche, là où la jeune fille s'était prise une balle lors de la Vendetta. Elle avait gardé ses longs cheveux noirs détachés, et passé juste un coup de crayon sous ses yeux d'un bleu pur. Ses cernes avaient un peu diminué depuis qu'Ezio avait accepté le retour de la demoiselle au Majestic, mais elle avait toujours cet air zombie misérable qui lui collait à la peau. Elle attrapa une paire de talons hauts qu'elle enfila sans difficulté, et estima qu'elle était fin prête.

" Tu es très belle. "

Heather sursauta, fixant Ezio qui s'était appuyé contre l'encadrement de la séparation et qui la dévisageait doucement. Elle lui envoya un sourire crispé et parla d'une voix étranglée par le stress.

" Je....je vais y aller. Je sais pas quand je reviens, donc...m'attendez pas. "

La tirade fut suivie d'un rire nerveux, et Ezio déposa un bisou sur le front de celle qu'il considérait comme sa soeur.

" Bon courage. "

La mafieuse acquiesça, et sortit en tremblant de l’appartement. Elle rejoignit sa BMW, et elle mit près de 3 minutes à la démarrer. Le stress lui causait presque des spasmes nerveux, et elle avait autant de difficulté à insérer la clé que lorsqu'elle était ivre au delà du gramme d'alcool par litre de sang. Enfin, le ronronnement de la berline résonna dans la rue, et elle se dirigea vers la rocade pour rejoindre la Skyline de Nightfield.

Passer les vitesses était une torture, et plus elle approchait de sa destination, plus la boule au ventre grandissait dans les entrailles d'Heather. Enfin, devant l'immeuble où allait se jouer sa destinée, elle gara sa voiture mais hésita quelques minutes. Elle n'osait pas sortir, mais en même temps....elle voulait le revoir. Mais comment savoir si il allait revenir dans ses bras ?

Après une dizaine de minutes, la jeune femme se décida à sortir, appréciant le soleil estival qui se levait sur Nightfield. Il devait être aux alentours de 9h, et il faisait déjà chaud. Mais Heather était glacée tandis qu'elle grimpait à pied les escaliers du bâtiment. Elle arriva au palier de Lewis, regardant un instant la porte où il devait dormir avec Alice, et prit une grande inspiration pour monter à l'étage du dessus. La porte de l'appartement d'Aaron, autrefois aussi attirante qu'un foyer, était actuellement plutôt du charme d'une porte de prison.

Un mètre.
Deux mètres.
Trois mètres.

Elle était face à la porte, désormais. Elle observa un instant sa main, ses longs ongles vernis de rouge, et elle ferma le poing. Elle frappa à la porte après avoir pris une grande inspiration, et elle attendit. Elle n'eut pas à stresser longtemps, car la porte s'ouvrit.

Dieu, qu'il était beau. Comme dans ses souvenirs.

Ca faisait environ quatre mois qu'elle n'avait pas vu le visage d'Aaron, mais il était toujours pareil. Une peau sans aspérité, le visage couvert d'une légère barbe de trois jours, ses cheveux blonds tombants sur ses épaules. Ses yeux, d'un bleu azur doux, faisaient toujours bondir son coeur dans sa poitrine. Mais contrairement à d'habitude, il ne souriait pas. De longues cernes s'étalaient sous son regard, et il ne semblait pas en forme.

Heather était tiraillée entre deux émotions opposées : soit se jeter dans ses bras et l'embrasser, soit fuir le plus vite possible et redescendre les huit étages. Alors qu'elle tremblait, ses doigts bougeant nerveusement, Aaron s'écarta de l'entrée de la porte et parla d'une voix neutre et fatiguée.

" Entre. "

La jeune femme obéit, ses talons claquant une dernière fois sur le carrelage du palier avant de rencontrer le lino de l'entrée. Elle ferma la porte, observant Aaron se diriger vers la cuisine américaine, mais n'osa pas aller le rejoindre. Elle était arrivée si loin...elle craignait de tout gâcher soudain. Et il était si impassible....

" Tu veux boire quelque chose ? "

Surprise, Heather répondit d'une voix étranglée par le stress, presque méconnaissable.

" Un...un café, s'il te plaît. "

Aaron leva quelques secondes ses yeux sur elle, et s'affaira à préparer la boisson. Heather décida de quitter le vestibule et de se diriger vers le canapé. Sur la table basse en verre traînaient un téléphone, un crayon, et quelques papiers divers. La jeune femme leva les yeux vers la baie vitrée, observant le soleil déjà haut éclairer un Nightfield toujours autant dévasté. Elle resta silencieuse un long moment, fixant l'extérieur, et sursauta lorsque le français déposa un mug rempli de café sur la table basse. Ce dernier s'installa sur le canapé en face, et observa la mafieuse.

Une trentaine de secondes passèrent en silence, durant lesquelles Heather regardait ostensiblement ses mains, posées sur ses genoux serrés, la boule au ventre. Enfin, la voix d'Aaron résonna à nouveau dans l'appartement, plus douce qu'au début.

" Tu as maigri. "

Heather répondit d'une voix faible, retenant toute potentielle agressivité. C'était si bon d'entendre sa voix.

" J'ai vécu un mois dehors, et trois mois d'un semblant de maison ne suffit pas à récupérer une errance, il faut croire. "

Un sourire triste s'afficha sur son visage, et elle réussit à lever les yeux sur Aaron. Ce dernier soupira et reprit la parole. Il était temps d'avoir la vraie discussion.

" Je...voulais te remercier de les avoir tués. Ceux qui s'en prenaient à moi.
- Ce n'est pas parce que tu ne voulais plus me voir qu'ils allaient arrêter. Et sans Lewis, je n'y serais jamais arrivée en vie. Mais j'accepte tes remerciements. "

Après tout, j'ai juste failli mourir, j'ai vécu un mois à la rue, j'ai vécu les trois mois d'après à côtoyer un couple heureux et à me renvoyer à ma situation de zombie solitaire.

" Tu m'as manqué, tu sais. "

Heather le regarda franchement cette fois-ci, une émotion de surprise pure dépeinte sur le visage. Aaron avait une sincérité rare dans la voix, et un frisson traversa son échine.

" J'avais peur que si je te rappelais trop tôt, que je te disais de revenir, tu oublierais que tu risquais d'envoyer des gens malsains sur moi, et que je souffrirais à nouveau. Je ne savais pas quoi faire. La colère du début a laissé place à la tristesse. Et après...je ne savais pas s'il était trop tard. Je suis nul avec ce genre de choses. "

Heather déglutit avec difficulté. Elle voulait répondre, mais sa voix restait coincée au fond de sa gorge. Enfin, elle parvint à croasser une réponse.

" Je....n'attendais que ton appel. Tout ce temps. Je finissais par croire que tu avais refais ta vie avec quelqu'un. Que tu m'avais à jamais éliminée de ta vie, pour le meilleur comme pour le pire. J'étais...un fantôme. Comme au début. Comme après la mort de Fabio. "

J'ai retrouvé avec amertume ce qu'était la solitude absolue.

" Ezio....m'avait dégagée de l'appartement. Je n'avais plus de foyer. Je....je voulais juste disparaître à jamais. "

Tremblante de nervosité, la voix d'Heather s'étrangla et elle fondit en larmes. Elle avait souvent pensé au suicide. A se jeter dans la rivière, ou à se tirer une balle dans la tempe. Elle aurait aussi pu trancher une artère, ou tout simplement attendre une des rares voitures pour passer sous ses roues. Elle avait voulu mourir, rejoindre la seule personne qui l'avait aimée pour ce qu'elle était, jusqu'au bout, sans accroc, sans la dégager. Entre ses larmes, la mafieuse reprit.

" J'ai...j'ai réduit les affaires. Je...sélectionne les gens, et...j'ai presque...laissé tomber. "

Tu vaux plus que ça.

La jeune femme se bénit de ne pas avoir abusé sur le maquillage, car elle aurait été méconnaissable. Soudain, Aaron se leva, contourna la table....et vint s'asseoir à côté d'elle. Une seconde plus tard, Heather était dans ses bras, blottie contre lui, tête sur son épaule.

" Merci....d'avoir changé ça pour moi. Je suis...vraiment désolé. "

Il caressa les cheveux noirs avec douceur, et reprit la parole d'une voix hésitante.

" Reste avec moi...s'il te plaît. "

Il fallut quelques minutes à Heather pour calmer ses sangots, mais elle finit par retrouver un peu de contenance. Aaron n'avait pas bougé, et les deux semblaient ne pas vouloir se déplacer d'un millimètre. Le rapprochement avait déjà été si dur.

" Je ne partirai pas. Reste avec moi. "

Leurs mains s'entrecroisèrent, et les deux jeunes adultes échangèrent un baiser mouillé de larmes. Tout était revenu à la normale. Tout allait bien.

Sur la table, le café était froid.