Le soleil indolent peinait à se lever, comme après une bonne cuite. Les rares manèges encore debout grinçaient, mélodie funèbre orchestrée par une brise légère. Le moindre souffle sur une des attractions la faisait gémir, vieilles dames maltraitées par les intempéries et une certaine explosion. Certaines n’avaient d’ailleurs pas résistés, balayées par des fétus de paille. Des attractions qui, à l’instar des brindilles après un ouragan, jonchaient désormais le sol.
Le Carrousel faisait partie des morts à déplorer. Des chevaux de bois autrefois magnifiques et fièrement montés par des enfants étaient là, dans la poussière, attendant la fin de quelque chose. La fin d’un jour ou d’une nuit, la fin d’un rêve ou le début d’un cauchemar. Allez savoir ce qui se passe dans leurs têtes de bois.
« Ce matin, un lapin, a tué un chasseur! C’était un lapin qui, c’était un lapin qui, avait un gousset! Pan pan ♫  »
Aurore sautillait sur les chevaux de bois, admirant leurs yeux mornes fixés vers le ciel d’or et de pourpre. Ses cheveux blonds flottaient, adorable auréole de boucles pâles. Pour elle plus rien n’était sinistre, tout était beau et lumineux. Elle se mit à rire, et d’un bond gracieux elle atterrit dans la poussière. Son esprit n’est que ruines et folie, mais qui aurait pu s’en douter? Sa candeur, sa douceur, sa joie de vivre. Certes elle est encline à sortir son arme, mais… A-t’elle l’air folle lorsqu’on l’aperçoit dans la rue?
Aurore balada sa lame le long d’un stand qui avant vendait de la barbe à papa. Elle s’arrêta d’un coup, et se retourna.
«  C’est toi M. Enigme? »