« It’s Too Late to Save Me »

Lhexee. Libre.

Alors, c’était ici.
Ici que tout avait commencé. Lhexee rejeta ses cheveux sombres en arrière, battit des cils. Elle ne savait pas vraiment si elle devait considérer cela comme une bénédiction ou une malédiction, à titre personnel. C’était évidemment une véritable catastrophe. Quelque chose auquel elle peinait à croire. Ils vivaient tous dans une sorte de cage de verre, dont ils ne ressortiraient probablement jamais. Ils étaient là, à attendre Dieu seul sait quoi. Elle fronça légèrement les sourcils, avança vers la centrale, sa main droite fermement serrée sur la crosse de son AK-47. Elle s’en séparait rarement. Elle marmonna quelque chose, inintelligible. Peut-être une parole de chanson qu’elle avait entendue il y avait de cela peu de temps. Elle ne savait plus. Quelques fois, sa mémoire se révélait être une véritable passoire. Ou une grosse armoire pleine de tiroirs inutiles.

Parfois, elle ne se souvenait plus de certains détails importants –si évidemment prenait deux « M » ou pas, par exemple. Et parfois, elle se souvenait de détails insignifiants, comme de chansons datant de sa petite enfance. Ou du visage de ses parents. Elle posa son arme, enleva son bandeau, et le replaça sur sa tête, sous sa mèche qui lui obstruait parfois la vue. Elle reprit son « jouet », et entra dans le grand bâtiment désaffecté.

Toute une ville, une région peut-être, s’était vue détruite par l’explosion. Elle se souvenait vaguement d’une explosion lumineuse, de ses oreilles qui sifflaient, et puis, plus rien. Elle s’était réveillée dans son appartement. Et quelque chose, en elle-même, bien ancré dans sa tête, lui soufflait que tout avait basculé. Une fois de plus. Lhexee commençait à s’habituer aux changements, plus ou moins radicaux. Un sourire flottait sur son visage, alors qu’elle avançait sur le sol dallé de gris. Gris. Tout était gris et terne autour d’elle. Elle était la seule forme colorée dans les environs. Ses bottes buttèrent sur quelque chose. Elle baissa la tête, fléchit les genoux, prenant garde à ne pas écorcher ses jambes, aux trois quarts dénudées, car vêtue d’un shorty de jean. Des morceaux de plâtre, du verre, du gravier, du ciment. Un mélange confus d’élément. Prouvant qu’une tempête, au-delà de tout ce qu’elle avait pu imaginer, s’était déchainée ici. Elle se remit debout, se demandant que faire. Un bruit de pas lui fit tourner la tête. Instinctivement, sa main se resserra sur sa compagne muette.