Dans les limbes. | feat. Lewis

Messages : 340 Date d'inscription : 30/12/2010 Age : 30 Pseudo : Ninetales

- Heather n'aimait pas les hôpitaux.
  
  Assise dans le cabinet du docteur, sur un minable siège en plastique, la mafieuse attendait. Face à elle, le praticien était accoudé à son bureau et lisait les résultats des examens qu'il lui avait fait passer. Stimulation à la lumière, aux sons, aux images ; ainsi qu'une armée de questions diverses sur son passé, ses actions, et ce qui n'allait pas. D'une timidité presque affolante dans ce bureau sombre à peine éclairé par une lampe miteuse et une fenêtre minuscule, la jeune fille gardait les mains croisées sur ses genoux. Son coeur battait rapidement, et en était presque douloureux. Soudain, le docteur leva les yeux et les planta dans les iris de glace de sa patiente.
  
  "Il n'y a pas de doutes. Vous avez ce qu'on appelle un trouble de stress post-traumatique. Vos visions récurrentes et vos réactions très vives sont les preuves les plus flagrantes de réminiscence et d'hypervigilance."
  
  Derrière la porte, Ezio se laissa tomber à terre, tête baissée, ses bras entourant ses jambes. Il savait qu'écouter les séances était d'une impolitesse abominable, mais pour le coup il s'en fichait. Alors c'était ça. Ces moments d'absence, c'était des visions. Et lui, il n'avait pas réalisé ce qui arrivait à son amie. Il n'avait pas compris pourquoi elle avait pleuré, ce jour là. Et lorsque ça lui été arrivé au volant, et qu'elle avait failli le tuer, il l'avait juste engueulée. Ses yeux de glace brillaient d'une détresse intense, mais lui n'avait rien remarqué, et avait pris la place du conducteur en grognant. Mais quel abruti il était, bordel.
  
  Heather, surprise, resta droite sur sa chaise. Maintenant qu'elle y repensait...toute ses visions avaient pour protagoniste Fabio. Il n'y avait pas un flash où il n'apparaisse pas. C'était parce qu'il était mort sous ses yeux, ses derniers mots lui intimant de survivre. Et qu'elle avait retrouvé son corps le lendemain, brûlé mais conservé. Ce jour là, le monde entier était devenu un lieu malsain et sombre, sans une once de lumière. Sa vie avait basculé, et son esprit avec elle. Jusqu'à ce qu'Ezio arrive, un mardi matin, et vienne la consoler devant la tombe du bel italien. La voix un peu étranglée, la mafieuse s'adressa au docteur.
  
  "Comment...puis-je mettre fin à ces visions ?
  -Votre détermination sera votre principal atout. Il faut que vous vouliez vous en débarrasser de tout votre coeur. Sinon...parlez-en. Parlez-en, dites tout ce que vous avez sur le coeur, et même si vous pleurez...n'abandonnez pas. Racontez la scène, racontez vos sentiments ressentis. Rouvrez la blessure, pour que l'on puisse vous aider à la refermer."
  
  Le praticien, un air de profonde compassion sur son visage, se leva et lui tendit la main. Heather la saisit sans hésiter, et quitta sa chaise abîmée pour se tenir sur ses deux jambes. Elle réussit à esquisser un sourire triste, et reprit la parole.
  
  "Merci, docteur. Je vous dois quelque chose ?
  -Non, rien. J'ai réussi à vous faire sourire, et c'est déjà très gratifiant. Je vous souhaite beaucoup de courage. Et si vous avez besoin...voici ma carte.
  -Merci beaucoup."
  
  Heather sortit du cabinet du docteur, et se retrouva face à Ezio, qui la regardait d'un air tendre. La mafieuse n'avait pas besoin de poser quinze mille questions pour comprendre qu'il avait écouté. Sans un mot, la jeune fille serra Ezio dans ses bras, blottissant son visage contre son cou. Elle sentait battre le coeur de son ami, et ce signe de vie et de chaleur humaine lui arracha des larmes.
  
  Elle pouvait encore s'en sortir.

Il le savait, et cela le hantait.

Il était un cas perdu.
Un cas voué à sa perte.

Merde.

" Ou pourrais-je trouver le Docteur Kasakov ? "

" Je ne suis pas sûr qu'il soit présent aujourd’hui. Mais vous le trouverez peut-être dans son bureau. Continuez tout droit puis tourner à gauche. "

Il ne manquait plus que ça.

" Oh. "

Non, ce n'était pas vraiment le moment pour les voir, ces deux là.

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- " Oh. "
  
  Juste un mot, voire une onomatopée, dans le couloir silencieux de l’hôpital. Heather se dégagea doucement de l'étreinte d'Ezio, et regarda dans la direction d'où venait la voix. Une voix familière, par ailleurs. Lewis. Il était là, appuyé contre le mur, tenant à peine debout, ses yeux métalliques plongés dans quelque chose d'au moins aussi profond que le vide. Ses cheveux blancs étaient emmêlés, et il semblait vraiment très malade. La mafieuse aux cheveux noirs le regarda un instant, immobile, mais Ezio réagit plus vite.
  
  "Va chercher le docteur.
  -D'accord."
  
  Comme dans un rêve flou, Heather tourna le dos à Ezio, et frappa à la porte du bureau. Aucune réponse ne lui parvint, mais la demoiselle ne pouvait pas attendre. Lewis était quelqu'un d'exécrable, mais rien que pour Alice, il ne méritait pas de souffrir autant. La jeune fille rentra alors dans le bureau sombre, et chercha des yeux le docteur qu'elle venait de quitter. Il n'était pas là, aussi prit-elle une grande inspiration pour aller derrière la porte où était écrites en lettres stylisées un "Interdit au Public" en rouge sur fond blanc. Elle toqua à la porte une fois, deux fois, trois fois. Après une dizaine de secondes, l'homme aux cheveux gris ouvrit la porte et la regarda avec surprise.
  
  "Que faites-vous ici ?
  - Un jeune homme dans le couloir n'est pas bien. Pouvez-vous venir voir, s'il vous plait ?
  - Oh ? Bien sûr, j'arrive."
  
  Le praticien en blouse blanche attrapa le stéthoscope qui traînait sur la table, prit une petite mallette dans un tiroir et sortit dans le couloir, talonné par Heather. Il se dirigea vers Lewis, toujours au mur, saluant Ezio d'un rapide signe de la tête. Le docteur posa son matériel par terre, et s'agenouilla devant le Malvienn. Attentif au moindre symptôme, il prit la parole et s'adressa à Lewis.
  
  "Je suis le docteur Kasakov. Que vous arrive-t-il ?"
  
  Derrière lui, Heather regardait, collée à Ezio. Elle n'avait jamais vu Lewis dans un état pareil.

" Va chercher le docteur. "
" D'accord ."

Noon non, reviens...

" Je suis le docteur Kasakov. Que vous arrive-t-il ? "

" J'ai... dû faire une erreur dans l'utilisation de... mon pouvoir. "

Bad Day.

Juste un peu.

" Mais je ne pense pas que vous pouvez faire quelque chose pour moi... "

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- " J'ai... dû faire une erreur dans l'utilisation de... mon pouvoir. Mais je ne pense pas que vous pouvez faire quelque chose pour moi...
  - Ca, c'est à moi d'en juger. Venez. Mademoiselle Rosary, merci de votre aide, vous pouvez vous retirer. "
  
  Le docteur Kasakov aida Lewis à se relever et il l'emmena dans son bureau. Au moment de fermer la porte, il envoya un sourire gentil aux deux mafieux qui le lui rendirent, et restèrent derrière le panneau de plastique hermétique. Lorsqu'il fut revenu dans le cabinet sombre, le praticien invita son patient à s'asseoir sur le siège blanc prévu à cet effet, et alla lui-même s'installer sur la petite chaise plastique noire abîmée. Il détailla un instant la personne face à lui, observant ses cheveux argentés décoiffés et ses yeux d'un bleu métallique. Il avait déjà entendu cette description dans la bouche de quelqu'un, mais qui...bah, peu importe. Ca lui reviendrait bien à un moment. D'une voix ferme mais douce à la fois, le docteur s'adressa au malvienn devant lui.
  
  "Vous n'avez fait aucune erreur en utilisant votre capacité. Seules les radiations de la centrale sont à blâmer. ( Kasakov soupira, ses yeux sombres brillant de résignation. ) Tous les jours, nous continuons à êtres exposés aux rayons gamma si dangereux pour notre organisme. Malheureusement, les malvienn sont les plus touchés. En d'autres termes, vous mutez."
  
  Le docteur se tut, attendant une quelconque réaction du jeune homme assis devant lui. Qui lui en avait parlé ?
  
  De son côté, Heather s'était allongée sur trois sièges de la salle d'attente, la tête sur les genoux d'Ezio. Fermer ses yeux de glace lui faisait du bien, et elle parvenait à atteindre une tranquillité acceptable. La chaleur humaine avait toujours eu un effet très bénéfique sur elle, et son ami avait accepté de jouer le rôle d'oreiller avec un sourire gentil. Car Ezio était inquiet. Il ne voulait pas le montrer, et ne voulait pas être le premier à parler à Heather des visions...pourtant, il pensait que ça pourrait lui faire du bien. Soudain, sous ses doigts, il sentit le corps de sa partenaire se crisper, et elle se réveilla brusquement de sa somnolence, dans un sursaut assez improbable. Inquiet, l'italien tendit sa main et la posa sur l'épaule de la mafieuse.
  
  "Heather...?
  -Il...me manque. Beaucoup. Manque. I...il...me manque."
  
  Les mots sortaient, bégayés et incompréhensibles. Des sanglots commencèrent à agiter les épaules d'Heather, qui se blottit dans les bras d'Ezio, sa tête contre son cou, comme quand elle était sortie du cabinet. Elle tremblait, et un goût de cendres lui traversait la bouche. Resserrant son étreinte, la mafieuse réussit à articuler, presque comme un cri.
  
  "C'ets pas juste. Il n'aurait jamais dû mourir. Il me manque tellement...
  - Dis-le, Heather. Dis le clairement, en une seule phrase. Sans hésiter. Dis-moi.
  - Tu...le sais...
  - Oui. Allez, dis-le."
  
  Un silence, puis une pauvre phrase tout pleine de sens ; quelques mots qui nécessitaient pourtant beaucoup de courage.
  
  "J'aime toujours Fabio, et il me manque horriblement."
  
  Laissant échapper un sifflement de tristesse, Heather laissa à nouveau couler ses larmes. Mais pourtant, le fait d'avoir dit ce qu'elle pensait sincèrement lui soulageait un peu le coeur. Comme si un poids s'était retiré de sa poitrine. Elle ne remercierait jamais assez Ezio pour ça. Il venait de la soulager de plusieurs années de peine, juste en lui ordonnant de dire une phrase. Grazie mille, Ezio.
  
  Grazie mille.

" Ça, c'est à moi d'en juger. Venez. Mademoiselle Rosary, merci de votre aide, vous pouvez vous retirer. "

" Vous n'avez fait aucune erreur en utilisant votre capacité. Seules les radiations de la centrale sont à blâmer. Tous les jours, nous continuons à êtres exposés aux rayons gamma si dangereux pour notre organisme. Malheureusement, les malvienn sont les plus touchés. En d'autres termes, vous mutez. "

Il était trop faible, et pas assez fort.

Malheureusement, les malvienn sont les plus touchés.

Mais pouvait-elle être bénéfique, cette mutation ?

elle

Mais lui serait-ce vraiment favorable ?

Personne n'avait dit que ce dôme était indestructible.

Sombre fou.

Heather aussi avait sa part de problème. Comme chaque être vivant ici.

Peut-être devrait-il essayer de mieux la cerner et de lui pardonner ?

mutation

Idiot.

" Merci. "

" Alice avait raison. Vous êtes un bon médecin. "

" ... Courage. "

Il n'avait plus rien à faire ici.

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- " Merci. Alice avait raison. Vous êtes un bon médecin. "
  
  Le docteur Kasakov ne répondit rien, et inclina simplement la tête en signe de respect. De rien. Il vit sortir l'adolescent, qui referma la porte derrière lui. Le praticien resta un instant pensif, observant d'un regard vague le panneau de plastique. Alice. La malvienn omnisciente, et également l'une des plus belles femmes qu'il n'ait jamais vu. Il avait senti en elle une terrible tristesse diffuse, comme si son pouvoir cherchait à masquer son passé. Quelque chose au fond de ces yeux argentés l'avait profondément ému. Kasakov aimait bien cette petite. Une fille bien et compréhensive, pas méchante pour deux sous. Et elle lui avait parlé de son compagnon, Lewis. Ce devait être lui. Pour le peu qu'il avait pu observer, il ne semblait pas foncièrement mauvais. Tant mieux.
  
  Avec un soupir, le docteur repassa derrière la porte interdite au public, et s'installa à sa paillasse, jetant un regard vide à ses éprouvettes. Il détestait cette ville. Mais il aimait les gens. Alors, même si chaque jour était une nouvelle épreuve pour affronter la terreur des maladies présentes, il n'abandonnerait pas. Il soupira, mettant sa tête dans ses mains, et resta comme ça, assis sur sa chaise. Quel destin cruel.
  
  Dans le couloir, Heather et Ezio virent Lewis sortir. La mafieuse crevait d'envie de lui demander s'il allait mieux, mais elle retint sa langue. Jusqu'à maintenant, ses tentatives de se montrer gentille n'avaient abouti qu'à de purs échecs. Alors pourquoi est-ce que ça changerait cette fois-ci ? Pourtant, le drogué resta un instant immobile à les regarder, puis laissa échapper un mot d'un ton mystérieux, sans vraiment d'explication autour.
  
  "...Courage."
  
  Heather le regarda partir avec étonnement. Il avait montré...un semblant de gentillesse ? Une partie d'elle s'éveilla, lui laissant afficher un sourire sur ses lèvres. Il restait de l'humanité dans ce monde. Elle savait que Lewis la détestait toujours autant, et qu'une étiquette de chieuse lui restait collée sur le front, mais pourtant, le ciel lui semblait moins sombre d'un coup. Ses larmes se tarirent, et elle ne lâcha l'angle du couloir que lorsque le malvienn eut disparu. Soudain, Ezio l'embrassa sur la joue et lui parla gentiment.
  
  "Rentrons, Heather.
  - Bonne idée. Tu conduis ?
  - A ta guise. "
  
  Les deux amis échangèrent un sourire, puis se dirigèrent vers la sortie de l'hôpital. Au fond des yeux de glaces de la mafieuse, un semblant d'espoir brillait.

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