Une belle nuit d'été, les constellations étaient parfaitement visibles, toute la galaxie s'offrait à vous... Quand on s’intéressait aux étoiles, naturellement.
Et Jude n'aimait pas les étoiles, pas plus que l'obscurité oppressante de la nuit. Les étoiles étaient trop distantes, trop ... angoissantes pour elle. Sans qu'elle puisse en expliquer la raison.

Comme toutes les nuits, elle n'arrivait pas à dormir plus de deux heures, et encore, si on mettait bout à bout des periodes de dix minutes d'un sommeil agité de rêves étranges et effrayants... Même dans son sommeil, spn sentiment venait lui pourrir la vie.
Oh, Jude aurait bien pu songer à en finir pour ne plus éprouver la peur, sauter du haut d'un immeuble, se couper les veines, se tirer une balle dans la tête... Mais elle avait bien trop peur de la mort, du vide, des armes blanches et de la douleur pour oser le faire. Donc elle se contentait de rejeter en bloc cette option dans sa vie, cherchant un peu de lumière dans l'obscurité de la nuit.

Heureusement, cette nuit, le ciel était dégagé, elle n'avait donc pas eu trop peur en faisait le trajet depuis son chez elle à la piscine. Elle voyait où elle allait. Ce qui ne l'empêcha pas de courir sur tout le long du trajet, tout en jetant de petits regards angoissés tous les cent mètres pour voir si personne ne la suivait.
Elle entra dans la piscine par un petit trou dans le grillage, qu'elle avait repéré plusieurs semaines auparavant, pratique quand on voulait rentrer sans payer... Mais pas le jour, elle avait trop peur de se faire attraper, et de se faire engueuler par les responsables du " centre nautique " comme ils disaient si bien. Mais là, ils dormaient tous depuis un bon moment.
Les veinards... Le cœur battant à deux cent à l'heure, Jude partit à la recherche de la salle des machines.
Elle était venue ici plusieurs fois lors d'insomnies, et savait où trouver ce qu'elle cherchait...

Elle avançait à tâtons dans le bâtiment obscur, peu rassurée par l'obscurité environnante... Et si quelqu'un était venu dormir ici ? Si c'était la planque de tueurs, ou de drogués, ou de violeurs, ou tout à la fois ?
Elle se mit une gifle mentale. Sur les cinq fois où elle était venue ici, il n'y avait jamais eu de ça. Elle trouva l'interrupteur des spots de la piscine et repartir en courant vers le plus grand des bassins. Là, elle enleva son t-shirt ample et son short de jean, se retrouvant juste en maillot de bain vert à rayures blanches et jaunes. Puis elle entra lentement dans l'eau, agréablement tiède.

Seule et aussi détendue qu'elle pouvait l'être.

Une voix inconnue fit sursauter violemment Jude.
Une voix qui avait retentit près de son oreille... tout près, trop près. Elle avait horreur qu'on l'approche d'aussi près... et cette fois, son "don" Yacii n'y était pas forcément pour quelque chose. C'était inscrit dans sa nature, son tempérament...
C'était une voix féminine, douce, teintée de sarcasme dégoulinants de cynisme ; la voix se moquait d'elle. Il y avait de quoi... Jude sentait encore son cœur faire des ratés. Elle s'étonnait qu'avec toutes les frayeurs qu'il avait eu durant sa vie, il batte encore, d'ailleurs.

Ce qu'avait dit cette voix doucereuse mit un moment à monter au cerveau en surcharge d'adrénaline de la petite Jude. Pour son esprit, déchiffrer chaque mot était un supplice, un calvaire sans fin, qui lui donnait mal à la tête et envie de plonger dans l'eau, tout au fond, et ne plus bouger, ne plus sortir avant que tout ça, oui, tout s'arrête.
Puis, le déclic, une ampoule s'alluma dans la tête trempée de Jude.

" Tu sais qu'il y a des requins là dedans ? "

Requins. Prédateurs redoutables, souvent assoiffés de sang, humain de préférence, avec des milliers de dents aiguisées comme des rasoirs, jusqu'au fin fond de sa bouche démoniaque, créature marine surdimensionnée, silencieuse, qui sentait le sang et se repérait aux mouvement de sa victime dans l'eau, son élément. De petits yeux noirs sans iris, juste une pupille dilatée, sans âme. C'était la vision mentale qui venait à Jude quand on lui parlait de " requins ".

Elle sentit soudain naître en elle une peur démesurée, ainsi qu'une profonde aversion pour l'eau, qui la rassurait en temps normal. Et voila. Un truc de moins pour se calmer... Elle n'allait plus pouvoir se baigner sans scruter les fonds.

Se repérait grâce aux mouvements de sa victime dans l'eau.

Elle devait donc éviter de bouger... C'était facile. Elle avait pied, même si elle était sur la pointe de ceux ci, et elle était tétanisée par la panique. Même si elle l'avait voulu, elle n'aurait pas pu bouger un muscle. L'eau soudain glaciale fit remonter un frisson le long de son dos. Elle ne dit rien, cherchant dans la piscine dans quel coin ou recoin se cachait le squale.

Jude arriva à balbutier une réponse.

« .. m ... m... merci ... de ... de de .... me ... pr... préve... nir... »